Bien’ici Pro / Actus Pro / Estimation : quel est l’impact d’une servitude ?
Dans le monde de l’immobilier, il existe des termes capables d’effrayer les clients : "zone inondable", "fissures", "termites". Il en va de même pour "servitude". Pour de nombreux acquéreurs, servitude est synonyme de perte de tranquillité et de conflits de voisinage. Mais qu’en est-il vraiment ?
Commençons par une petite définition : les articles 637 et suivants du Code civil définissent la servitude comme une contrainte qui s’impose au propriétaire d’un bien (le fonds servant), au profit du propriétaire d’un autre bien (le fonds dominant). C’est un droit réel immobilier. La servitude est systématiquement attachée à un bien immobilier et se transmet donc de propriétaire en propriétaire. À ce titre, elle doit obligatoirement être stipulée et spécifiée dans tout acte de vente.
Il existe trois grandes catégories de servitudes :
■ Les servitudes dérivant de la situation naturelle des lieux (exemple : écoulement des eaux, bornage)
■ Les servitudes imposées par la loi et qui ont pour objet l’utilité publique ou communale (exemple : servitudes de mitoyenneté, de respect de distance des constructions, de vue ou d’égout des toits)
■ Les servitudes conventionnelles établies par conventions entre propriétaires (exemple : servitude de passage, interdiction de construire). Pour être valables, celles-ci ne doivent pas être contraires à l’ordre public et doivent être précisées sur l’acte notarié pour produire leurs effets.
À noter qu’une servitude prend fin si l’usage est rendu impossible, si elle n’a pas été utilisée pendant 30 ans (sauf servitude légale de passage en cas d'enclave) ou si les deux propriétés - fonds servant et fonds dominant – sont réunies en un seul et même bien.
Servitude de passage et droit de passage : quelle différence ?
Sachez tout d’abord que si le droit de passage est une servitude, toutes les servitudes ne sont pas nécessairement des droits de passage. Ce dernier est défini par l’article 682 du Code civil comme le droit d’un propriétaire de passer sur le terrain de son voisin pour accéder à sa propriété lorsque celle-ci est enclavée.
Pour que ce droit soit reconnu, le bien qui en bénéficie doit être isolé et ne disposer d’aucun accès ou d’une issue insuffisante sur la voie publique. Dans ce cas, l’accord du propriétaire du terrain utilisé pour le passage n’est pas nécessaire. Cependant, si le bien est seulement difficile d’accès, l’accord du propriétaire du fonds servant est obligatoire.
Servitude de vue : une question d’intimité
Cet autre type de servitude n’est pas anodin car il implique une potentielle diminution de l’intimité. En cas de servitude de vue, l’obligation de respecter les distances légales entre une ouverture d’un bien (fenêtre, porte-fenêtre, baie vitrée, velux, balcon, terrasse) et la limite de séparative d’un bien voisin est en effet caduque. Il est alors possible, mais uniquement dans des cas précis et définis par le Code civil, de créer par exemple une fenêtre à moins d’1,90m de la propriété d’à côté.
Vous l’aurez compris, la servitude a la plupart du temps un impact sur la valeur d’un bien. Toutefois, en fonction de l’importance du désagrément (bruit, pollution, vue gâchée), la répercussion sur l’estimation est à pondérer. Un droit de passage très usité et une servitude de vue pour une ouverture donnant sur un mur aveugle n’impliquent pas les mêmes nuisances. Dans le premier cas, le prix peut faire l’objet d’une décote conséquente (20-30 %) tandis que, dans le second cas, celle-ci sera faible, voire nulle.
En tant que conseiller immobilier, il vous incombe de faire preuve de transparence et de pédagogie avec les propriétaires du bien à estimer puis, par la suite, avec les potentiels acquéreurs. N’oubliez pas qu’en amont de la signature de l’acte authentique, le notaire consulte systématiquement les titres de propriété antérieurs pour identifier les servitudes pouvant grever le bien. Il demande également un certificat d’urbanisme faisant apparaître d’éventuelles servitudes d’urbanisme (non apparentes). Dans le cadre de l’estimation d’un bien, veillez donc à bien vérifier le titre de propriété pour vous assurer de l’existence et de la nature d’une servitude. Rien de pire, en effet, de découvrir ce détail à postériori, dans le bureau du notaire.
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