Bien’ici Pro / Actus Pro / Promotion immobilière : la réhabilitation a-t-elle supplanté la production ?
Construire ou réhabiliter l’habitat existant, le débat qui émerge entre le neuf et l’ancien sur le marché de l’immobilier pose la question de savoir s’il vaut mieux construire de nouveaux logements ou rénover l’existant. Comment concilier les impératifs écologiques dans un contexte d’accroissement démographique où les besoins en nouveaux logements sont indispensables ? Comment les promoteurs immobiliers vont-ils pouvoir arbitrer leurs opérations entre projets de constructions neuves et réhabilitation, dans un contexte législatif qui se durcit ? Rénovation du bâti existant ou construction neuve, listons les pour et les contre.
La rénovation énergétique des logements anciens est au cœur de multiples enjeux, notamment en matière environnementale, culturelle et technique, d’autant que cette solution se trouve encadrée par le gouvernement via diverses réglementations. Parmi celles-ci, la RE 2020, anciennement RT2012, qui donne la priorité à la sobriété énergétique et à la décarbonation des filières énergétiques. Le document d'urbanisme, le PLU répond quant à lui, à des politiques nationales et territoriales en termes d'aménagement, prenant en compte des enjeux de développement durable et plaidant pour une consommation raisonnée des espaces disponibles. Enfin, la loi Solidarité et Renouvellement Urbain (SRU) instaure des règles en matière de mixité sociale et d’urbanisme.
La rénovation énergétique de l’ancien se trouve confrontée à différents défis. En effet, les objectifs environnementaux sont importants quand on sait que 33 % du parc immobilier existant doit se mettre aux normes pour atteindre des niveaux de consommation énergétique cohérents et une réduction notable en termes d’émissions de gaz à effet de serre. En outre, les enjeux culturels font également partie des ambitions actuelles du gouvernement qui souhaite protéger son patrimoine architectural et ses monuments historiques. Leur rénovation se révèle alors indispensable pour les conserver et les mettre en valeur.
Enfin, au niveau technique, les spécificités constructives des programmes immobiliers anciens étant très différentes des constructions modernes, elles sont bien souvent sujettes à des problèmes d’humidité (moisissures, condensation interne, ...), et nécessitent une réhabilitation énergétique adaptée afin d’offrir un meilleur confort à ses occupants.
Le parc résidentiel en France est aujourd’hui composé de 60 % de bâtiments datant d’avant 1974, c’est-à-dire de logements peu isolés au niveau thermique, mais aussi acoustique qui sont par conséquent, très énergivores.
De façon à offrir des habitations modernes, salubres et économes en énergie, l’État a mis en place différentes mesures en place encourageant les particuliers et les professionnels à réhabiliter le parc immobilier ancien, le but étant se rapprocher du niveau énergétique en vigueur dans les constructions neuves.
Pour les particuliers
Pour accompagner la transition écologique dans la réhabilitation des bâtiments anciens et aider les particuliers à effectuer les travaux de rénovation nécessaire, une enveloppe de 2 milliards d’euros a été débloquée visant à financer le dispositif MaPrimeRénov’.
Également en vigueur depuis le 1er janvier 2022, le dispositif public France Rénov' a pour objectif de réduire la facture d’énergie des foyers français. Ce nouveau service de l’État mise sur une meilleure lisibilité des travaux de rénovation énergétique à réaliser, mais tend aussi à simplifier également les démarches via la fusion de l’ANAH et de l’ADEME. En outre, des accompagnateurs en rénovation seront en charge de conduire les ménages dans la mise en place et le suivi des différents travaux à mener, mais aussi dans l’obtention des aides financières dédiées, à l’instar de MaPrimeRénov’.
Pour les propriétaires bailleurs
Prolongé jusqu’au 31 décembre 2023, le dispositif fiscal incitatif Loi Denormandie permet aux bailleurs privés de rénover le parc locatif privé dans l’ancien en contrepartie d’une réduction d’impôt sur le revenu allant jusqu’à 21 % du montant de l’acquisition et des travaux de réalisés sur 12 ans.
Laurent Saint-Martin (LREM) et Lise Magnier (groupe Agir ensemble) soulignent que cette mesure offre "une solution à la dégradation du parc privé en incitant les investisseurs bailleurs particuliers à y rénover les logements. Elle permet également de lutter contre l'étalement urbain et l'artificialisation des sols", soulignent les deux députés.
La loi Malraux ou la loi sur les Monuments historiques incitent quant à elles fiscalement les investisseurs à réhabiliter des appartements existants ou des hôtels particuliers en logements, dans les secteurs sauvegardés tels que les Zones de Protection du Patrimoine Architectural, Urbain et Paysager (ZPPAUP).
Pour les professionnels et les bailleurs
Le Plan France Relance tend à son tour à réduire les consommations énergétiques et à améliorer la qualité de l’habitat français en allouant des aides financières aux investisseurs et aux propriétaires. En agissant ainsi, les transformations industrielles, écologiques et sociales du pays s’accentuent.
Pour ce faire, l’État se charge de financer la restructuration lourde de l’habitat (reconfiguration, amélioration en matière d’accessibilité) et accompagne sa rénovation thermique. Cette mesure porte sur la volonté d’améliorer la performance énergétique du parc résidentiel ancien, ciblant en priorité les passoires thermiques.
La crise sanitaire a libéré des millions de mètres carrés de bureaux au cœur des grandes agglomérations françaises. Avec environ 4 millions de m² de bureaux vacants en région parisienne, principalement dû à l'essor du télétravail mis en place ces deux dernières années, certaines sociétés se sont spécialisées dans le recyclage urbain, transformant des bâtiments inutilisés en habitations. Ces actions, soutenues par les pouvoirs publics, répondent à la pénurie de logements disponibles et à une prise de conscience écologique.
Pour Joachim Azan, président de Novaxia, entreprise innovante en matière de rénovation urbaine, il est important d’aller dans le sens de la Loi Climat et de développer des projets de recyclage urbain pour atteindre la zéro artificialisation nette à l’horizon 2050. "Nous sommes devant un alignement de planètes : augmentation de la vacance des bureaux et du télétravail, pénurie de logements, prise de conscience écologique des élus et des investisseurs particuliers".
En outre, la Loi Climat met un sérieux coup de frein à l’étalement urbain et implique une mutation profonde dans la gestion des espaces, l’objectif du gouvernement étant de diviser par deux la cadence d'artificialisation des sols pour les 10 années à venir.
La lutte contre l’artificialisation peut sembler contradictoire avec la pénurie de logements et la politique de construction massive, menée depuis une quarantaine d'années par l’État. Toutefois, le défi lancé aux promoteurs immobiliers et aux professionnels du bâtiment, peut être atteint en recourant à d’autres méthodes de construction pour "bâtir la ville en ville" telles que la surélévation des bâtiments existants, la densification, la démolition et la reconstruction. La solution pourrait ainsi venir du recyclage des surfaces inutilisées et exploitables qui permettrait de construire de nouveaux logements sans artificialiser les surfaces au sol.
S’il est évident que la déconstruction des bâtiments existants va considérablement altérer la facture carbone, la rentabilité des opérations immobilières, ne s’en verra pas forcément dégradée, proposant davantage d’habitations au sein d’une même résidence. Avec des immeubles passant de "R+2 (deux étages) à R+12" densifier sur un même espace au sol "sera plus performant au final" pour les promoteurs, souligne David Habrias (directeur général associé du groupe Kardham).
Dans une ère de transition écologique et de développement durable, il peut alors sembler plus logique de préférer la transformation à la démolition. En effet, la mutation de bâtiments existants et devenus obsolètes au niveau des performances énergétiques, permettra d’éviter d’alourdir l’empreinte carbone par rapport aux projets de déconstruction. Tout dépendra des possibilités techniques en termes d’architecture et de résistance des matériaux.