Bien’ici Pro / Actus Pro / Immobilier et nouvelle municipalité : ce qui change à Bordeaux
Après les premières semaines, souvent marquées par des inquiétudes de la part des acteurs du secteur de l’immobilier, les villes commencent à préciser leurs intentions en matière d’urbanisme. C'est le cas de Bordeaux, où Pierre Humic (EELV) est désormais aux manettes. Bien’ici vous propose aujourd’hui une synthèse des nouvelles orientations pour la cité girondine.
Depuis une dizaine d’années, le marché immobilier bordelais surfe sur une attractivité inédite et la flambée des prix a été spectaculaire (environ + 40 % en 5 ans). Face à une demande croissante de logements, l’ancienne équipe municipale avait lancé de nombreux projets de construction et les grues sont rapidement devenues un élément récurrent du paysage bordelais. Ce mouvement avait débuté dès 1996 sous l’impulsion d’Alain Juppé qui appelait de ses vœux la mise en œuvre de "l’arc de développement durable", un projet allant du lac à la gare.
Aujourd’hui, Pierre Humic, qui a fait de l’urbanisme une thématique forte de sa campagne, se présente comme un "maire régulateur" avec une ambition phare : reverdir la métropole bordelaise. Pour piloter cette mission, il a notamment nommé Bernard-Louis Blanc au poste d’adjoint à l’urbanisme résilient.
Début septembre, la nouvelle équipe municipale avait signé 70 permis de construire initiés par ses prédécesseurs. Toutefois, d’autres projets, moins avancés, sont remis en questions et des discussions entre le nouveau maire et les promoteurs vont avoir lieu pour procéder à des ajustements et retravailler certains permis de construire.
C’est notamment le cas pour 2 projets d’envergure : Brazza et Bastide-Niel. Pour ces deux programmes, et plus largement pour l’ensemble des futurs projets d’habitat collectif, la mairie souhaite encourager la végétalisation des quartiers (avec le programme "Bordeaux grandeur nature") et l’utilisation de matériaux de construction plus respectueux de l’environnement que le béton, à l’instar du bois (idéalement produit localement) et des matériaux bio-sourcés comme la terre crue. Pour les logements individuels, c’est une optimisation de la conception des maisons, mieux adaptées aux problématiques liées au réchauffement climatique, qui va être demandée aux particuliers.
Décidé à officialiser ces nouveaux principes de construction, Pierre Humic désire s’appuyer sur un "bio PLU" et un label "bâtiment frugal bordelais". Ce dernier, basé sur une quinzaine de critères encore à définir, sera annexé au PLU intercommunal - quand celui-ci aura été révisé - afin qu’il soit juridiquement opposable aux porteurs de projets immobiliers.
En voulant redonner de la place à la nature en ville, la nouvelle équipe dirigeante s’attèle à un sujet épineux, souvent source de désaccord avec les entreprises immobilières : l’artificialisation des sols et la densification. Pierre Humic se positionne clairement en faveur d’une réduction de l’emprise au sol des bâtiments et, dans le même temps, rejette l’idée de bâtiments plus haut en compensation. Il prône une ville à taille "plus humaine". L’objectif est de "réduire le flux de constructions neuves", souligne Bernard-Louis Blanc, qui se défend de vouloir "bloquer la machine" immobilière.
Parmi les projets d’ampleur décriés par la nouvelle municipalité : l’opération d’intérêt national (OIN) Bordeaux Euratlantique qui doit redessiner le sud de l’agglomération. Engagée depuis 10 ans, elle n’est pas en adéquation avec les nouvelles orientations souhaitées par Pierre Humic. Notamment en ce qui concerne la densité de construction. Mais avec environ 70 % des chantiers de cette opération d’ores et déjà engagés, la nouvelle mairie de Bordeaux a conscience de sa faible marge de manœuvre. Elle pense toutefois pouvoir encore peser sur le projet et ne cache pas son opposition à la création de la "Rue bordelaise", une artère conjuguant logements, commerces, bureaux et hôtels qui relierait la gare Saint-Jean à la Garonne et que Pierre Humic pointe du doigt comme une exemple de "la marchandisation de la ville".
Autre cheval de bataille de la nouvelle équipe municipale : l’accessibilité aux logements. Avec la hausse des prix et la pression foncière, Bordeaux, à commencer par son centre ville, n’est plus accessible pour un nombre grandissant de ménages. Ces derniers se tournent désormais vers la première couronne. Face à ce constat, Pierre Humic souhaite fixer un prix du logement abordable (vraisemblablement entre 3 000 €/m2 et 3 500 €/m2). En parallèle, il prône le recours accru au bail réel solidaire (BRS) et au prêt social location-accession (PSLA), deux dispositifs d’accès à la propriété à des conditions privilégiées.
Concernant le logement locatif, la nouvelle municipalité s’est fixée un objectif de 25 % de logement sociaux dans tout programme neuf d’ici 6 ans et de 1 500 nouveaux logements sociaux construits chaque année sur la même période. Elle a également déposé sa candidature au Ministère du Logement pour l’instauration de l’encadrement des loyers. En cas de réponse favorable, le dispositif pourrait être mis en place courant 2021.
Plus verte, moins dense et accessible à un plus grand nombre de personne, telles sont les ambitions de la nouvelle équipe municipale pour la cité girondine. Une stratégie en rupture avec les orientations de l’ancienne équipe dirigeante et, parfois, avec la vision des acteurs du secteur de l’immobilier.