Bien’ici Pro / Actus Pro / Filière Bois : pourquoi la France exporte autant… au détriment du Bâtiment ?
Le prix des cours du bois s’envole, ayant une incidence directe pour les professionnels du bâtiment, qui ont de plus en plus recours à ce matériau. En effet, les objectifs de la COP 21 visent une neutralité carbone à l’horizon 2050, et le secteur du BTP va devoir baisser son empreinte carbone : l’utilisation de matériaux biosourcés (comme le bois) dans la construction est de plus en plus plébiscitée. Tour d’horizon avec Bien’ici sur l’état de la filière bois en France, et son impact pour les professionnels du bâtiment.
La forêt française s’étend sur 29 % du territoire, et représente 16 millions d'hectares de chênes, de hêtres, de châtaigniers et de résineux. Logiquement, la France est un gros fournisseur de bois, à la 1ère place européenne pour la production de chêne et en 3ème place au niveau mondial. Néanmoins, les scieries françaises ne tournent pas à plein régime et les acteurs de la filière se montrent pessimistes pour l’avenir : depuis 2005, plus de 350 scieries ont fermé leurs portes. Selon la FNB (Fédération Nationale du Bois), les scieries de chêne ne fonctionnent qu’à 60 % de leur capacité, du fait du manque de matières premières.
Le ralentissement de l’épidémie de Covid-19 a entraîné la reprise économique dans de nombreux pays (notamment aux États-Unis et en Chine), et la demande en bois croît de manière exponentielle. Le niveau des exportations atteint des records. Ainsi, les exportations vers la Chine ont explosé en juillet 2021 : +25 % pour le chêne, +58,3 % pour les résineux, et même jusqu’à +132,88 % pour le hêtre ! Le jeu de l’offre et de la demande fonctionne à plein, et les pays importateurs n’hésitent pas à payer le prix fort pour les précieuses grumes. Conséquence : les scieries françaises n’ont pas accès à suffisamment de matières premières, à un moment où la demande du marché domestique est forte. Les professionnels du bâtiment sont donc obligés de se fournir à l’étranger, ce qui entraîne un surcoût, des commandes non honorées, des retards de chantier, et une hausse du bilan carbone dû au transport...
L’objectif de neutralité carbone en 2050 nécessite que tous les acteurs économiques repensent leur mode de fonctionnement et leurs pratiques, BTP compris. Un Français produit 11,2 tonnes de CO2 par an, et la part du bâtiment représente 25 % de ces émissions. Cette forte proportion s’explique du fait de la production des matériaux, du transport, de la consommation de carburant sur les chantiers, du recyclage des matériaux…
Les autorités ont donc mis en place un arsenal législatif (loi Climat et Résilience), visant à inciter les professionnels du bâtiment à diminuer significativement leurs émissions de carbone. L’utilisation du bois est recommandée, ce qui est contradictoire avec l’état de la filière bois française.
Une nouvelle réglementation environnementale des bâtiments neufs (la RE2020 dans le cadre de la loi ELAN) s’applique à partir du 1er janvier 2022, dont l’objectif principal est de réduire l’impact sur le climat des bâtiments neufs, et donc de limiter leurs émissions de gaz à effet de serre. Le bois prend donc tout son sens pour la construction, du fait de ses faibles émissions, et de sa capacité à pouvoir les stocker (1 m3 de bois absorbe l’équivalent d’1 tonne de CO2). L’exemple des JO 2024, en est le parfait exemple : l’objectif est de réduire de 55 % les rejets de CO2 par rapport aux JO de 2012, grâce à l’utilisation massive du bois. Ainsi, tous les bâtiments de moins de 28 mètres auront une ossature bois, qui proviendra à 50 % du marché local.
Le bois est un matériau indispensable pour le secteur du BTP, et son utilisation dans la construction va prendre de l’ampleur, du fait de son bon bilan carbone. Encore faut-il que les professionnels aient accès à cette ressource. De ce fait, plusieurs solutions sont actuellement à l’étude.
La loi Climat et Résilience prévoit de limiter les exportations de bois à l’Europe, afin de "favoriser la transformation industrielle du bois d'œuvre sur le territoire de l’UE" (article 54). Néanmoins, les règles de la concurrence internationale devant être respectées, la France aura bien du mal à limiter ses exportations de bois, sans des mesures incitatives destinées aux propriétaires de forêts. Les professionnels du BTP ont également besoin d’une production de matériaux à hauteur de la ressource. Un développement et une modernisation des scieries sont impératifs pour satisfaire la demande nationale.
Les professionnels du BTP se trouvent donc dans une situation où ils ont peu de moyens d'action. La forte demande entraîne une pénurie de bois, a un moment où le gouvernement demande aux entreprises du secteur d’en augmenter l’utilisation. L’envolée des cours grève leur rentabilité et les chantiers prennent du retard à cause de cette pénurie. L’ensemble des acteurs attendent donc du gouvernement la mise en place de mesures fortes et concrètes, pour que le BTP puisse effectuer sa transition écologique, avec des matériaux plus respectueux de l’environnement.