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Bien’ici Pro / Actus Pro / Bâtiment frugal : quand les villes jouent la carte du label local

17/06/2021
Lancé en janvier 2018, le "Manifeste pour la frugalité heureuse et créative dans l’architecture et l’aménagement des territoires urbains et ruraux", offre sa réponse aux enjeux liés aux changements climatiques.

Le bâtiment frugal s’impose comme une réponse au gaspillage des matières premières liées aux chantiers de construction et participe à l’instauration d’un nouveau modèle de société, à la fois plus écologique et plus équitable. Bien’ici vous explique comment les bâtiments frugaux, plus respectueux du vivant, transforment l’existant avant de construire, et favorisent l’utilisation de matériaux biosourcés et le savoir-faire artisanal pour valoriser les territoires français.



Le bâtiment frugal : un nouveau concept de performances environnementales

La frugalité est un mode de vie qui allie réduction des dépenses, minimalisme et écologie. La construction frugale appelle à réfléchir à une utilisation raisonnée du sol, au respect du site existant et à la valorisation du territoire.


Pour répondre aux enjeux climatiques, les nouvelles constructions prennent désormais en compte l’empreinte environnementale des bâtiments, l’économie du projet et les qualités d’usage de ce-dernier. Afin d'accélérer la transition énergétique, la Loi Climat et Résilience s’attaque au secteur du bâtiment, responsable du rejet dans l'atmosphère de près de 123 millions de tonnes de CO2. Pour ce faire, de nouvelles normes environnementales entrent en vigueur, mais aussi des aides financières incitatives avec l’arrivée du dispositif MaPrimeRénov’ qui vise à motiver les propriétaires à réaliser des travaux de rénovation énergétique.


Les bâtiments frugaux quant à eux s’affranchissent du joug des standards les plus connus, tels que le bâtiment passif, le BBC, la norme HQE... En effet, si la standardisation des référentiels de construction permet une approche standardisée du bâtiment économes en énergie, les constructions frugales sont à l'inverse, en marge de cette normalisation reconnue et recherche leurs propres solutions techniques.


L’objectif de la construction frugale marque une réelle évolution, offrant une réponse à long terme pour répondre aux enjeux écologiques et favorisant une approche bioclimatique, énergétique et sociétale. La construction frugale est en effet, très liée à son territoire, car elle minimise l’énergie et les ressources et repose sur un esprit low-tech en privilégiant des matériaux et le savoir-faire local. Cette démarche, qui s’inscrit dans une urgence environnementale, prend également en considération, les modes de vie et la place de l’usager dans le processus de construction.

Ainsi, l’intelligence collective et l’expérience des utilisateurs permettent d’optimiser les temps liés aux études des projets, les choix des matériaux à privilégier et les équipements.


"Le bâtiment frugal est une réponse à la raréfaction des ressources énergétiques et de certains matériaux, au sens où il permet une économie de ressources. [...] qu'est-ce que ce bâtiment va apporter à son territoire d'accueil ? L'enjeu est celui de la relation au site, des filières locales, et du lien social, par exemple par l'habitat participatif. [...] le bâtiment est-il désirable ? La frugalité doit aussi être heureuse" explique Alain Bornarel, Ingénieur au sein de Tribu, bureau d'études spécialisé dans l'approche développement durable des projets urbains et des bâtiments.

Usage et qualités de vie : vers une approche frugale au sein des territoires Français

Certaines villes comme Bordeaux font bonne figure en matière de construction frugale et le label "bâtiment frugal bordelais", présenté le 17 mai dernier, vise à devenir une norme pour promouvoir des bâtiments préservant les espaces naturels existants. Le nouveau référentiel, compatible avec la réglementation environnementale 2020, concernera tous les porteurs de projets immobiliers à Bordeaux, dès 2023 (professionnels et particuliers) et sera adapté au territoire, tourné vers les filières locales, soucieux de l'usage et de la qualité de vie de ses
occupants, tout en réduisant les impacts climatiques. Intégré au Plan Local d’Urbanisme, la Ville de Bordeaux privilégiera donc l'utilisation de matériaux biosourcés et des méthodes de construction moins polluantes et moins énergivores.


Pour Bernard Blanc, adjoint au maire de Bordeaux en charge de l'urbanisme résilient, les "nouveaux bâtiments devront prendre en compte la réalité des canicules et du réchauffement climatique".


À l'instar de Bordeaux, d’autres communes françaises ont également déjà commencé la construction de bâtiments frugaux. On peut notamment citer l’école de Monoblet dans le Gard, ou celle de Saint-Antonin-Noble Val dans le Tarn-et-Garonne qui ont décidé de s’affranchir du béton et d’opter pour des matériaux locaux et naturels (structure et bardage en bois, murs en béton de terre ou en pierre…).


Ces constructions d’architecture écologique novatrice et "frugale", offrent d’excellents bilans thermiques avec une consommation en énergie primaire, estimée à seulement 38,7 kWh/m²/an. Ces projets "low tech", misent sur une utilisation massive de bois régional, de manière à limiter les déplacements, mais également sur l’utilisation de matériaux de récupération et autres matières renouvelables, tels que le béton de chanvre offrant un bilan
carbone extrêmement bas, voire même, négatif.


Plusieurs projets architecturaux ont émergé ces dernières années, notamment en Provence-Alpes-Côte d’Azur et en Occitanie. On recense ainsi des équipements publics (écoles, espaces multiculturels, gymnases et salles de sport), des bâtiments du secteur tertiaire (mairie, bureaux, fermes, ateliers) et des projets d’habitat (habitat participatif, habitat alternatif social), comprenant des studios, des logements sociaux, une résidence hôtelière à vocation sociale…


L'architecte Yves Perret rappelle que si aujourd’hui "un chantier, c’est une simple production de mètres carrés [...] Un bâtiment devrait être le moyen d’un échange". Les villes devront désormais s’engager dans une politique réelle de transition énergétique et s’adapter face au changement climatique, mais aussi articuler les nouvelles constructions autour des modes de vie des usagers. Certaines villes en Europe, comme celle de Göteborg en Suède l’ont bien compris. L’objectif à atteindre est important et nécessite de diviser par deux la consommation d’énergie, et d’effectuer un changement radical au profit d’énergies vertes ou moins polluantes comme la biomasse, l’éolienne, le solaire et l’hydroélectrique. Mais les enjeux de ces “villes post-carbone”, vont bien au-delà et concernent aussi les déplacements, la manière d’habiter, les modes de vie de ses résidents, les modèles économiques ainsi que l’organisation institutionnelle.


Le label "bâtiment frugal bordelais" marque ainsi le début d’une nouvelle ère en matière de construction et amène les villes et les différents acteurs de la construction à changer en profondeur la manière d’appréhender les bâtiments pour entrer dans une logique de réduction de consommation des ressources. Ainsi, la frugalité dans le secteur de la construction se révèle comme un modèle efficient et innovant, pour concevoir et construire des bâtiments soucieux de la nature environnante, qui s’adapteront aux territoires locaux pour répondre à l’urgence écologique. Petit à petit, l’ensemble des acteurs s'engagera en faveur d’une architecture associant écologie, bien-être et résilience.

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