Bien’ici Pro / Actus Pro / RE 2020 : après la concertation et l’expérimentation, les complications ?
Qu’en est-il de cette réglementation si attendue, si commentée, si appréhendée par la profession ? Bien’ici "tente" de vous décrypter le dossier.
Un petit rappel s’impose. La Réglementation Environnementale RE 2020, qui va remplacer l’actuelle RT2012, a trois objectifs affichés :
- Diminuer l’impact sur le climat des bâtiments neufs, en prenant en compte l’ensemble de leur cycle de vie. Rappelons que le bâtiment représente 30 % de nos émissions de CO2.
- Améliorer la performance énergétique et la baisse des consommations, avec comme un objectif d’une baisse de 30 % par rapport à la RT 2012.
- Prendre en compte le confort d’été pour anticiper les épisodes de canicule. Ce dernier point étant une petite révolution, marquant l’entrée de la fraicheur dans la réglementation.
Si la performance énergétique est aujourd’hui bien maitrisée par les acteurs du bâtiment, l’ACV (analyse du cycle de vie) et ses critères de calcul, qui permettent de calculer l’impact carbone d’un bâtiment, sont encore les objets de nombreux débats.
Ne vous attendez pas à une réponse d’ingénieur. Ici, nous parlons méthodologie. Pour concevoir cette réglementation, le gouvernement s’est appuyé peu ou prou sur la même méthode que la RT 2012.
Une phase préparatoire associe les contributions de 15 groupes d’experts et l’expérimentation du label E+C- (Bâtiment à Énergie Positive et Réduction Carbone). Comme avec le BBC à l’époque, ce label a permis aux maîtres d’ouvrages volontaires de tester les futures normes sur leurs réalisations. Une phase de concertation a utilisé les contributions et les retours d’expérience du label. 4 groupes ont fait des propositions sur les méthodes de calcul, les critères, les exigences et les outils pédagogiques. Enfin, après arbitrage de l’État sur les différentes propositions, la future réglementation sera établie.
Beaucoup de choses. C’est toujours le cas quand il y a du changement. Et la RE 2020 va en impliquer beaucoup. C’est aussi le cas quand on consulte beaucoup de filières… Et d’intérêts divergents.
Commençons par la querelle entre énergie primaire et énergie finale, entre gaz et électricité. Ce n’est pas un détail quand on souhaite estimer la consommation d’un bâtiment sur toute sa durée de vie. Pour faire simple, l’électricité, avec son coefficient ramené à 2,3 au lieu de 2,58, marque la victoire des électriciens. Exit le chauffage au gaz dans les logements avec la RE 2020.
Passons au carbone et aux modes de calculs comparant béton et matériaux biosourcés. Là encore, le béton défend son impact de gaz à effet de serre, pas si négatif selon certaines études.
Toujours à propos des modes de calcul, le changement récent de méthode pour l’ACV, qui passe de statique (norme européenne existante) à dynamique (redonnant l’avantage aux matériaux biosourcés), suscite de nombreuses réactions. L’abandon du Bilan Bepos, qui permet de valoriser les bâtiments à énergie positive, a également froissé beaucoup d’acteurs de la profession. Une tribune a même été signée par 400 acteurs de l’énergie et du bâtiment, pointant certains manquements de la future réglementation.
La phase de concertation touche à sa fin et le gouvernement vient de dévoiler les grandes lignes de la RE 2020. Fin programmée du gaz dans les logements, à commencer par les maisons dès 2021, renforcement du Bbio (indicateur qui permet de mesurer les besoins énergétiques), valorisation de la filière bois… Mais Emmanuelle Wargon le précise, la transition ne sera pas brutale. Les années 2021 à 2024 permettront aux professionnels de se familiariser avec la nouvelle réglementation. Les seuils seront progressivement revus à la baisse en 2024, 2027 et 2030.
Dès le 25 novembre 2020, au lendemain de la conférence de presse, les filières lésées donnaient de la voix, à commencer par l’acier et le béton, le gaz s’étant déjà largement exprimé. Nul doute que les textes vont encore circuler chez les acteurs du secteur avant de passer à la phase réglementaire. Il y aura encore certainement des commentaires dans les semaines à venir. Mais il y a bien un point sur lequel tout le monde est d’accord, c’est qu’il est urgent d’agir.