Bien’ici Pro / Actus Pro / Projet de loi rénovation de l’habitat dégradé : ce qu’il faut retenir
Les objectifs de cette loi sont multiples : faciliter les travaux en copropriété avant la dégradation définitive des logements, définir la mise en place d’un prêt global collectif par les syndics, ajouter une procédure d’expropriation des logements frappés par un arrêté d’insalubrité et sanctionner les marchands de sommeil.
Une commission mixte paritaire doit désormais s’accorder sur une version de compromis du texte voté en vue d’une adoption définitive.
Bien’ici a listé pour vous les principales évolutions qui pourraient avoir un impact sur votre activité.
La loi n°65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâti sera complété afin d’autoriser les syndics à souscrire un emprunt collectif au nom de la copropriété afin de financer des travaux de rénovation. Cette procédure sera votée en assemblée générale, selon la même majorité que les autres types de travaux concernant les communes ou les travaux d’intérêt collectif dans sur les parties privées.
Chaque copropriétaire sera réputé avoir accepté de participer à ce mode de financement des travaux – dans le respect de la répartition des quotes-parts –, à moins qu’il ne notifie son refus au syndic.
Les fonds empruntés seront versés par l’établissement prêteur sur un compte bancaire réservé à cet effet. L’emprunt comportera des facilités de remboursement anticipé pour tenir compte du versement des subventions publiques accordées pour la réalisation des travaux votés.
Dans le cadre d’un plan de sauvegarde d’une copropriété composée de plusieurs bâtiments, la loi préconise de procéder à la division du syndicat des copropriétaires ou à la création de syndicats des copropriétaires secondaires.
L’article 25-2 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 sera complété de deux articles. Ces derniers accorderont à un ou plusieurs copropriétaires de faire réaliser, à leurs frais et avec après avoir notifié le syndic, des travaux d’isolation thermique de la toiture qui affecteront les parties communes de l’immeuble, ou d’autres travaux nécessaires à la conservation, l’isolation, la salubrité ou la sécurité des parties privatives qui ne mettront pas en cause la structure de l’immeuble ni la sécurité des occupants. S’ils subissent un préjudice, les autres copropriétaires pourront réclamer une indemnité.
Concernant l’article 29-1 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 sur les dispositions particulières aux copropriétés en difficulté, l’absence de vote de l’assemblée générale sur l’approbation des comptes depuis au moins deux ans autorisera le syndic à saisir le juge d’une demande de désignation d’un mandataire ad hoc, au même titre que lorsque le seuil d’impayés est atteint. Il est prévu que ce mandataire physique ou moral "justifie d’une formation relative aux enjeux des copropriétés en difficulté". Plusieurs organismes d’habitations à loyer modéré sont ainsi réputés remplir les conditions d’obtention de l’agrément de syndic d’intérêt collectif.
Le livre V du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique sera également modifié. Au titre Ier, viendra s’ajouter un chapitre intitulé "Expropriation des immeubles indignes à titre irrémédiable". L’expropriation d’immeubles bâtis ou de parties d’immeubles bâtis pourra être poursuivie lorsque les conditions suivantes seront réunies :
- L’immeuble a fait l’objet aux cours des 10 dernières années civiles d’au moins 2 arrêtés de mise en sécurité ou de traitement de l’insalubrité,
- Des mesures de remise en état de l’immeuble s’imposent pour prévenir la poursuite de la dégradation de celui-ci,
- Lorsque l’immeuble est à usage d’habitation et occupé et que la réalisation des travaux de remise en état justifie une interdiction temporaire d’habiter.
Ce sera alors à l’autorité compétente de l’Etat – par désignation d’une collectivité publique ou d’un organisme – de déclarer d’utilité publique l’expropriation des bâtiments ou terrains. S’en suivra alors un plan de relogement ou d’hébergement et la définition d’une indemnité de privation de jouissance. Le refus de la proposition de relogement pourra en revanche conduire à une expulsion sans indemnité.
Cette indemnité pourra également être confisquée si les services municipaux, intercommunaux ou de l’Etat peuvent apporter la preuve qu’un ou plusieurs occupants sont responsables de la dégradation de l’immeuble.
La possibilité d’expropriation des parties communes est instaurée à titre expérimental pour une durée de 20 ans (versus 10 ans). Pendant la durée de l’expérimentation, la commune pourra proposer au syndicat des copropriétaires une convention en vue d’acquérir le terrain d’assise de l’immeuble concerné, par laquelle il s’engage à revendre à une date ultérieure le dit terrain aux copropriétaires à la fin des travaux. S’ils souhaitent rester sur place, les copropriétaires s’engagent à verser une redevance d’occupation et conservent un droit de ré-accession à la fin de l’expérimentation.
L’article L. 421-5-3 du code de l’urbanisme dispensera désormais de toute formalité les constructions temporaires et démontables implantées pour une durée n’excédant pas 5 ans et à usage exclusif d’hébergement temporaire des occupants délogés rendu nécessaire par des opérations de lutte contre l’habitat dégradé ou insalubre.
Autre évolution du code de la construction et de l’habitation avec l’ajout de l’article L. 126-6-1 : "la commune peut définir des secteurs d’habitat dégradé dans lesquels tout propriétaire d’un bâtiment d’habitation collectif doit réaliser, à l’expiration d’un délai de quinze ans à compter de la réception des travaux de construction de bâtiment et au moins une fois tous les dix ans, un diagnostic structurel du bâtiment". Ces périmètres sont indiqués sur des documents graphiques annexés au plan local d’urbanisme.
Ce projet de loi liste avec plus de détails les sanctions prévues envers les bailleurs qui proposeraient des logements insalubres, autrement dit les marchands de sommeil. Extrait de l’article 225-14 : "Le fait de mettre à la disposition d’une personne, moyennant une contrepartie, un hébergement incompatible avec la dignité humaine est puni de sept ans d’emprisonnement et de 200 000 euros d’amende".
Parmi le projet de loi étudié, on note un changement de vocabulaire dans certains articles.
On notera ainsi la suppression du terme "énergétique" à plusieurs reprises. Il est désormais question de mesures de "rénovation" au sens large et non plus spécifiquement de "rénovation énergétique".
À plusieurs reprises, les termes "en péril" sont remplacés par "mise en sécurité".
De même "déclaration d’insalubrité" est remplacé par "arrêté de traitement de l’insalubrité".
Les ordonnances suivantes intègreront définitivement le droit français à l’adoption de la loi :
- L’ordonnance n°2019-418 du 7 mai 2019 relative à la vente de logements appartenant à des organismes d’habitations à loyer modéré à des personnes physiques avec application différée du statut de la copropriété,
- L’ordonnance n°2019-770 du 17 juillet 2019 relative à la partie législative du livre VIII du code de la construction et de l’habitation,
- L’ordonnance n°2019-1101 du 30 octobre 2019 portant réforme du droit de la copropriété des immeubles bâtis,
- L’ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété,
- L’ordonnance n°2020-331 du 25 mars 2020 et l’ordonnance n°2021-141 du 10 février 2021 relative au prolongement de la trêve hivernale,
- L’ordonnance n° 2020-1144 du 16 septembre 2020 relative à l’harmonisation et à la simplification des polices des immeubles, locaux et installations,
- L’ordonnance n° 2021-142 du 10 février 2021 portant prorogation de certaines dispositions de l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété,
- L’ordonnance n°2022-489 du 6 avril 2022 relative à l’aménagement durable des territoires littoraux exposés au recul du trait de côte,
- L’ordonnance n°2022-1076 du 29 juillet 2022 visant à renforcer le contrôle des règles de construction,
- L’ordonnance n° 2023-80 du 8 février 2023 relative au bail réel solidaire d’activité
- L’ordonnance n° 2023-660 du 26 juillet 2023 portant diverses adaptations et dérogations temporaires en matière de commande publique nécessaires à l’accélération de la reconstruction et de la réfection des équipements publics et des bâtiments dégradés ou détruits au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023
Plusieurs parlementaires soulignent que ce texte ne saurait être une réponse suffisante à la crise du logement et de la construction. Dominique Estrosi-Sassone (LR) a estimé avoir "voulu faire un texte qui soit le plus utile possible" tout en appelant le gouvernement à poursuivre rapidement le chantier d’une "grande loi logement".