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Bien’ici Pro / Actus Pro / "En réhabilitant cette friche industrielle, nous cherchons l'équilibre entre habitat, activité et nature" – Interview d’Emmanuel Vigroux, Chef de projets chez ELEGIA

15/10/2025
Les friches industrielles sont souvent perçues comme des cicatrices urbaines, mais elles représentent avant tout un formidable potentiel de redynamisation. Pour une collectivité, engager un projet de réhabilitation, c'est se lancer dans une aventure de long terme et d'expérimentation, visant à retrouver un juste équilibre entre les besoins d'habitation, le développement d'activités économiques et la place de la nature. Au-delà de l'aménagement technique, il s'agit de redonner de la considération aux riverains pour ce pan de leur territoire.

Pour nous éclairer sur ces défis cruciaux, nous avons rencontré Emmanuel Vigroux, chef de projets chez l’aménageur ELEGIA. Au travers du projet "Les Portes du Vercors" situé à Fontaine en Isère, il nous a expliqué son rôle de suivi et de pilotage des différentes étapes de la réhabilitation d’une friche industrielle.

Bien’ici : Pouvez-vous nous présenter le projet "Les Portes du Vercors" ?

Emmanuel Vigroux : Situé sur la commune de Fontaine, ce projet va transformer une ancienne friche industrielle et commerciale en un lieu de vie dynamique et ouvert sur la ville. L’objectif est de redynamiser ce morceau de ville avec la construction de 950 logements et d’environ 13 000 m² de loisirs et de commerces de proximité, tout en redonnant une grande place aux espaces naturels.


À cet endroit, les anciennes plaines agricoles ont été remplacées dans les années 70 par une activité industrielle lourde et polluante, sur un site très enclavé et pourtant à proximité de quartiers d’habitation. Aujourd’hui, ce projet d’aménagement qui va se dérouler sur une dizaine d’années, va permettre de créer des logements de haute qualité environnementale, de redonner des espaces verts à la communauté, de recréer une attractivité commerciale et de réinventer la mobilité.


Les Portes du Vercors – Vue de la promenade Courtade depuis le nord (crédits photo Supervue)

Bien’ici : Qui sont les acteurs de ce projet d’envergure ?

Emmanuel Vigroux : ELEGIA assure un rôle de maître d’ouvrage, c’est-à-dire que nous pilotons le projet pour les collectivités : Grenoble Alpes Métropole - qui est l’initiatrice et la porteuse du projet - et la ville de Fontaine.


La Métropole de Grenoble et la ville de Fontaine ont décidé de réhabiliter ce site en 2011. Ce projet est également rendu possible grâce au soutien financier de la Région Auvergne-Rhône-Alpes et de l’Etat via EcoCité et France Nation Verte. Ces fonds encouragent une meilleure de gestion de l’eau et la protection de la biodiversité, notamment avec la remise à l’air libre d’une rivière.


ELEGIA est habitué à assurer la maîtrise d’ouvrage de projet d’aménagement pour le compte des collectivités. Notre expertise réside dans la gestion de projets complexes qui peuvent être lourds à porter pour une collectivité. Au sein des Portes du Vercors, ELEGIA s’est porté acquéreur du foncier afin d’y effectuer les travaux d’aménagements globaux (dépollution, VRD, espaces publics, renaturation des sols, etc.) avant de céder les lots aux promoteurs qui auront la charge de la construction des bâtiments.
Pour les premiers lots prêts à accueillir des bâtiments, cinquante promoteurs avaient proposé leurs dossiers de candidature, bien que les exigences soient élevées pour s’y implanter.

À savoir

ELEGIA est née du regroupement de plusieurs entreprises dont Territoires 38 (créée en 1947) et Isère Aménagement. C’est le premier groupe d’entreprises locales en Rhône-Alpes avec un investissement annuel s’élevant à 100 millions d’euros.
110 salariés se répartissent sur les 6 domaines d’activité majeurs pour conseiller au mieux les collectivités : l’aménagement urbain, la construction publique, les énergies renouvelables, l’immobilier, les infrastructures et ouvrages d’art et les mobilités.
L’engagement environnemental de l’entreprise a été confirmé en février 2025 par le label Lucie 26000.

Bien’ici : Quels sont les enjeux et les défis d’une réhabilitation ?

Emmanuel Vigroux : Les normes environnementales pour la construction et l’aménagement sont une première contrainte. Pour ce projet, il a été souhaité d’aller au-delà pour le rendre le plus vertueux possible. Par exemple, la consommation d’énergie doit être optimisée, aussi bien pour la phase de construction que lorsque les habitants du quartier s’installeront dans les logements, la production d’énergie sera à minima assurée à 40% par des énergies renouvelables, le confort d’été des logements est optimisé pour qu’il n’y ait pas d’inconfort pendant les fortes périodes de chaleur.


Bien entendu, les contraintes économiques peuvent compliquer ce type de projet. Tout le travail de l’aménageur consiste sur ce point à savoir tirer profit de l’ensemble de ces contraintes pour la construction des logements tout en s’assurant que les constructeurs puissent relever leurs défis et contraintes économiques propres.


Un autre enjeu fondamental pour ce projet était de remettre de la nature dans la ville et surtout sur ce terrain de 15 hectares imperméabilisé en quasi-totalité. Un premier long travail – de 2019 à 2024 – a permis de bien cerner les risques et de dépolluer le site. Depuis quelques mois, une nouvelle entrée pour le parc de la Poya a été créée afin que les habitants puissent y accéder directement depuis le boulevard Langevin et la rue Croizat.


Une rivière souterraine parcourait également la zone. Le 21 juin 2025, la Petite Saône, remise à ciel ouvert dans le cadre de l’opération, a été inaugurée avec les habitants. Les résidents de la rue du Colonel Manhès n’ont plus de vue sur des bâtiments abandonnés mais peuvent désormais se balader le long des berges.


Les Portes du Vercors – La Petite Saône (crédits photo ELEGIA)

Bien’ici : Quelles innovations ont vu le jour lors de ce projet d’aménagement ?

Emmanuel Vigroux : Je pense à trois aspects qui font des Portes du Vercors, un projet remarquable.


Le premier concerne la volonté d’une production d’énergie renouvelable d’au moins 40 % imposée aux promoteurs. Ce seuil est supérieur à la réglementation habituelle et au PLU mais s’avère essentiel pour la gestion du chauffage et le rafraichissement des logements. Dans ce but, les trois premiers promoteurs ont choisi la géothermie avec système de sondes, qui limitera la durée d’inconfort lors des fortes chaleurs à horizon 2050.


Nous avons dû prendre en compte le risque d’inondation afin d’assurer la continuité et la livraison du projet et s’assurer que l’opération était en capacité de s’y adapter. Nos choix d’aménagements permettront de gérer à ciel ouvert le surplus d’eau pluviales et les crues des rivières environnantes.


Enfin, nous menons une expérimentation pour re-fertiliser les terres excavées lors des travaux afin de les réutiliser dans la phase d’aménagement. Ainsi, toutes les terres ont été stockées sur place et amendées avec de la matière organique. Cette méthode permet de limiter le transport de matériaux, donc de limiter les coûts et les émissions de CO2.

Bien’ici : Quelles ont été les étapes cruciales du projet ?

Emmanuel Vigroux : La réflexion sur un projet de transformation de la ville a été initiée avant 2011. Entre 2011 et 2020, les différents acteurs ont été mobilisés pour co-construire le projet, afin de produire des études et d’obtenir les autorisations règlementaires nécessaires.


Les travaux de démolition et de préparation des terrains (notamment dépollution) se sont déroulés entre 2020 et 2024. Les travaux d’aménagement n’ont réellement commencé qu’en 2023 avec la création d’une nouvelle entrée dans le parc voisin, la viabilisation des voiries et la préparation des terrains pour que les promoteurs puissent accéder à leur chantier sans nuisances sur les voies environnantes. En juin 2025, nous avons remis à ciel ouvert le cours d’eau de La Petite Saône. Et les 200 premiers logements verront le jour à l’horizon 2027-2028 (NDLR : certains projets sont déjà en phase de commercialisation sur bienici.com).


Les projets suivants (construction des logements et des commerces) s’étaleront jusqu’en 2036.


Les Portes du Vercors  - Capture du site Bien’ici



La réhabilitation des friches industrielles est un processus complexe mais essentiel pour l’avenir de nos villes modernes. Les Portes du Vercors ne font pas exception. Ce projet constitue un laboratoire d’innovation urbaine et environnementale pour les professionnels, avec à terme un espace équilibré pour l’habitat, les commerces et la nature.


La réhabilitation des Portes du Vercors est un exemple probant de la capacité des acteurs publics et privés à répondre aux impératifs du Zéro Artificialisation Nette (ZAN), en faisant du renouvellement urbain un vecteur de considération pour les riverains et de résilience territoriale face aux risques climatiques et environnementaux.


Merci à Emmanuel Vigroux d’avoir répondu à nos questions.

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